coming home

guernsey airport, 1pm. february, 5th, 2021.
Il était pris entre deux flots. Deux courants contraires. Son corps ne désirait qu'être contre celui de Gene. Zac mourrait d'impatience de le serrer contre lui, de sentir son odeur, son visage enfoui dans son cou. Mais, et il ne pouvait lutter contre ce sentiment, Zac avait peur. à plusieurs reprises, il s'était surpris à ronger l'ongle de son pouce, perdu dans ses pensées. peut-être aurait-il dû attendre avant de revenir ? peut-être aurait-il dû être sûr de ce qu'il l'attendait, ici, de ce qu'il l'attendait, là-bas, sur l'autre île. il n'avait pas réfléchi ; il s'était interdit de réfléchir, parce qu'il s'avait qu'à défaut de réponses, il resterait piégé.

ce qui importait, là, maintenant, c'était eugene ginzburg, qu'il cherchait du regard, tout en avançant (d'un pas lent, sans qu'il ne s'en aperçoive), suivant la petite dizaine de personnes qui avait débarqué en même temps que lui. il avait quitté l'île de guernesey il y huit mois, en juillet 2020, avec sa mère, dans un ferry, direction la grande-bretagne, direction la corée-du-sud, direction l'île de jeju. il en revenait en avion. il y voyait une symbolique qu'il trouvait prémonitoire, même s'il voyait des symboles trop souvent, ces derniers temps. sa mère était restait sur l'île de jeju ; elle ne la quitterait probablement plus.

chaque respiration l'amenait un peu plus au bord du précipice. lui et gene avaient continué à s'appeler, à s'écrire, à construire ce qu'il avait commencé à bâtir ici, sur guernesey, même séparés par des milliers de kilomètres. zac avait trouvé celui qui était, sans aucun doute possible, son âme sœur. la distance ne lui avait pas fait peur. il y a huit mois, il avait su qu'il reviendrait.

et zac était là : de retour.

et gene était là aussi, à l'attendre.

zac sourit. ses peurs, ses doutes, les mots qu'il se refusait de penser, tout s'éclipsa lorsqu'il posa son regard sur le dos de gene, qu'il reconnut immédiatement. il profita d'un moment d'inattention de son ami pour se faufiler hors du cheminement matérialisé au sol et avancer, indétectable, jusqu'à sa cible. il ne prêtait pas attention à son cœur, qui s'était emballé depuis déjà plusieurs secondes. il traversa le hall du petit aéroport de guernesey, son île, pour s'approcher de gene, son amant et, une fois derrière lui, il répéta les premiers mots qui lui avait soufflé, lorsque les deux hommes s'étaient parlés pour la première fois.

– Long time no see, souffla-t-il à son oreille.


@Eugene Ginzburg